DÉFENSE DE L'HYGROMÈTRE A CHEVEU
par M. De Saussure
Observations sur la Physique, sur l'Histoire Naturelle et sur les Arts, Paris 1788, Tome XXXII Janvier 1788 (pag. 24-45), Fevrier 1788 (Pag. 98-107). La Difesa relativa a P. Giovambattista da S. Martino è alle pagine 104-107.)
INTRODUCTION
Les Essais que j'ai publiés sur l'Hygrométrie ont reçu du Public un accueil fort au-dessus de mes espérances. Les Journalistes les ont annoncés avec éloges: plusieurs Professeurs et Démonstrateurs célèbres ont admis mes principes dans leurs cours; et presque tous les Auteurs qui on écrit sur des sujets analogues ont aussi adopté ces principes, et ont accordé leur confiances aux expériences qui leur servent de base.
Si au milieu de tous ces applaudissemens aucune critique ne s'étoit fait entendre, ç'auroit été un exemple unique dans les fastes de la littérature, et je n'étois point fait pour mériter cette exception.
Trois Physiciens se sont élevés contre cet ouvrage; mais plus encore contre l'instrument que contre la théorie: et ce qu'il y a de bien remarquable, c'est que chacun de ces trois Physiciens est inventeur d'un hygromètre différent du mien; et que chacun d'eux n'a déprimé mon hygromètre que pour exalter le sien.Jje parle de MM. de Luc, Chiminello et du Père Jean-Baptiste.
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CHAP. XII Objection du Père Jean-Baptiste.
Le troisième adversaire de l'hygromètre à cheveu est le Père Jean-Baptiste, Capucin du couvent de Saint-Martin à Vicence.
Dans l'hygromètre qu'il a inventé et qu'il oppose au mien, c'est un ruban de baudruche qui sert a mesurer l'humidité de l'air, et qui fait les fonctions que fait le cheveu dans le mien: sa construction est d'ailleurs à peu près la même.
Pour le terme fixe d'humidité, le Père Jean-Baptiste se sert d'un procédé assez semblable au mien; il introduit des vapeurs aqueuses dans un vase où est renfermé son hygromètre, et il assure que la chaleur plus ou moins grande de ces vapeurs n'influe point sur le terme auquel il se fixe.
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| Orazio Benedetto de Saussure |
Quant au terme de sécheresse, il prend une petite étuve; il la réchausse jusqu'au 50e degré du thermomètre de Réaumur en la tenant ouverte; la maintient à ce degré pendant quelque temps; après quoi il la ferme et y place son hygromètre. Le degré de sécheresse qu'il obtient par ce procédé est, à ce qu'il dit, absolument invariable.
Tout en faisant l'éloge de ce procédé, le Père Capucin critique le mien et le taxe d'incertitude, à raison de la plus ou moins grande causticité des sels que j'emploie, de leur plus ou moins grande quantité, et du plus ou moins d'humidité que peut avoir l'air dans lequel je le renferme. Mais le Père Jean-Baptiste ne prend pas garde que ce dernier inconvénient est d'une bien plus grande conséquence dans son propre procédé. Car la chaleur qu'il communique à cet air ne détruit pas l'humidité; elle ne fait que rendre son action moins sensible, au lieu que les sels, si on en met une quantité suffisante, absorbent cette humidité, quelqu'abondante qu'elle puisse être. Et il oublie de plus que j'ai trouvé un critère, un signe certain auquel on peut reconnoître si le cheveu a bien contracté toute la sécheresse dont il est susceptible. Essais sur l'Hygrométrie, § 21.*
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| Igrometro a capello Saussure. |
Mais je viens aux quatre objections que le Père Jean-Baptiste propose en forme contre l'hygromètre à cheveu.
I°, dit-il, «le cheveu nous paroît un corps trop mince (troppo esile)[1] pour suivre dans tous leurs degrés les variations de l'humidité et de la sécheresse, et pour être employé avec tant de réserve.»
Réponse. Il est difficile de comprendre comment la finesse d'un corps peut l'empêcher de suivre les variations de l'humidité et de la sécheresse de l'air; il semble au contraire que cette même finesse doit le rendre propre à suivre ces variations avec la plus grande promptitude. Il est vrai, cependant, que si le cheveu étoit un corps susceptible d'être dissous par l'eau ou par l'air, sa ténuité l'exposeroit à une destruction plus prompte; mais on fait que c'est au contraire le corps organique connu qui résiste le mieux à toutes les injures de l'air. Il est vrai aussi que l'on ne peut pas manier un cheveu aussi rudement que l'on manieroit un cable. Mais quels sont les instrumens délicats qui n'exigent pas des attentions ou des soins de la part de ceux qui s'en servent? Je puis assurer que dans une longue suite d'observations, on ne dérange pas plus d'hygromètres à cheveu que l'on ne casse de thermètres. Or, la fragilité de ceux-ci n'a jamais fait une objection contre leur usage.
La seconde critique porte sur la construction. Le Père Jean-Baptiste dit que mon hygromètre est excessivement compliqué et difficile à exécuter; au lieu que le sien est réduit à la plus extrême simplicité.
Il ne me paroît pas qu'aucun Physicien, si l'on en excepte M. Chiminello et le Père Jean-Baptiste, ait jugé que mon hygromètre portatif sût trop compliqué; mais il est vrai que le Père Capucin l'a encore simplifié, non par une construction essentiellement différente, mais en supprimant des pièces qui contribuent à la perfection de l'instrument, et à la commodité de son emploi. C'est ainsi qu'il a supprimé la vis de rappel qui sert à faire monter et descendre le cheveu, et à faire venir l'aiguille au point où on veut la fixer. Il a de même supprimé les pinces à vis qui servent à retenir le cheveu; il s'est contenté de lier sa baudruche avec des bouts de fil. Il a aussi supprimé la pince qui sert à fixer l'aiguille quand on veut transporter l'instrument. Il a enfin supprimé le contre-poids, en tenant la baudruche tendue par le poids même de l'aiguille, qu'il évalue à 60 grains. Les trois premières suppressions rendent l'instrument moins commode, mais ne le rendent pas défectueux; au lieu que la dernière a l'inconvénient que j'ai développé dans le Chap. précédent; c'est que la baudruche n'est plus chargée d'un poids égal dans ses positions différentes; qu'elle porte les 60 grains que pèse l'aiguille lorsqu'elle est horisontale, tandis qu'elle n'en porte que 30, et même moins, lorsqu'elle est inclinée de 30 ou 40 degrés. Si donc 60 grains sont nécessaires pour donner à la baudruche le degré de tension qui lui convient, elle est trop peu tendue dès qu'elle sort de la ligne horisontale; et si au contraire elle ne doit être tendus que par un poids de 30 ou 40 grains, elle le sera trop toutes les fois qu'elle approchera d' être parallèle à l'horison.
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| Il giovane de Saussure |
La troisième raison de la préférence que le P. Jean-Baptiste accorde à la baudruche, c'est l'étendue de ses variations. Il dit qu'elle est d'un tiers au moins plus expansible que le cheveu; en sorte qu'un hygromètre à baudruche long de 8 ponces fera autant de variations qu'un hygromètre à cheveu d'un pied de longueur.
Cette expansibilité est certainement avantageuse. Mai le Père Jean-Baptiste ne peut pas nous assurer qu'elle ne soit pas compensée par le peu de durée ou par le peu de ténacité de la baudruche. Il s'est pressé de publier la description de son instrument sans le soumettre, comme j'ai soumis le mien, à de longues épreuves; et j'avoue qu'à cet égard j'ai quelques préventions contre la baudruche. Lorsque dans la nouveauté des aérostats on employoit cette substance à leur construction, je l'ai vue perdre à l'air de flexibilité, devenir cassante, se laisser entamer aux insectes: en sorte que j'ai peine à croire que ni la baudruche, ni la baleine puissent avoir la permanence, je dirai presque l'indestructibilité reconnue du cheveu.
Enfin la quatrième et dernier reproche que le Père Jean-Baptiste fait à mon hygromètre, c'est de coûter 2 jouis ou 84 livres de Venise; tandis que le sien ne coûte que 5 de ces livres, ou un peu moins de 3 liv. de France.
Je réponds, que si l'on vouloit dans l'hygromètre à cheveu substituer une planche de bois à un cadre de laiton, employer un clou pour fixer le cheveu au lieu d'une vis de rappel, supprimer les pinces à vis aussi bien que celle qui fixe l'aiguille quand on transporte l'hygromètre; si enfin on vouloit se passer d'un étui pour cet instrument et détacher le cheveu de sa planche pour le mettre dans sa tabatière, lorsqu'on le transporte, comme le Père Capucin fait avec sa baudruche, on pourroit construire des hygromètres a cheveu qui vaudroient encore moins d'un petit écu, car enfin ce n'est pas le prix du cheveu qui les renchérit.
Il seroit cependant ridicule de se jetter dans un excès d'économie qui rendroit cet instrument nécessairement infidelle. Je ne consentirai, par exemple, jamais à lui donner pour base une planche de bois; les vicissitudes de la sécheresse et de l'humidité extrême que cet instrument est destiné à subir, excluent nécessairement de sa construction une substance que la sécheresse et l'humidité affectent autant que le bois. Mais il y a des moyens de le rendre moins coûteux sans sacrifier trop de son exactitude. ...
* Horace-Bénédict de Saussure, Essais sur l'Hygrométrie, Neuchatel 1783.
[1] Je traduis aussi ces objections de l'italien des Opuscoli Scelti de Milan, Tome VIII, page 4.



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